vendredi 7 mars 2014

Le personnage de la victime et le héros




Au théâtre ou dans la vie, le rôle de la victime est un rôle très convoité. En effet, il permet d'obtenir beaucoup de gratifications et de bénéfices: attention, reconnaissance, attendrissement du public, consolation, aide, soutien. Et ce n'est pas un hasard si ce rôle a le vent en poupe dans notre société, avec une sorte de concurrence à celle (personne) ou celui (peuple) qui « aura beaucoup souffert » et aura mérité la médaille du dolorisme et tout ce qui peut en découler comme avantages sociaux. Ce qui ne veut pas dire qu’il n'existe pas de véritables victimes mais la différence avec le personnage de la victime, c'est que les vraies victimes ne retirent aucun bénéfice de leur statut, qu'elles ne le revendiquent pas, qu'elles ne l'ont pas demandé et qu'elles ne s'y installent pas non plus (à l'inverse, elles chercheront  à quitter au plus vite ce statut qu'autrui leur a imposé).

Il faut savoir qu'à un moment ou à un autre, nous l’avons tous adopté le rôle de la victime.
Et c’est un jeu psychologique fort intéressant ! En se choisissant ce personnage on se crée un coupable et par la même occasion on se dédouane de nos responsabilités. Et cela même si on reconnait une part de responsabilité dans le malheur qui nous frappe. Par exemple, je ne suis pas assez robuste pour affronter ce type de situation, je suis hypersensible, je ne sais pas comment y arriver…. ici, le message que j’essaye de faire passer à autrui ou bien à moi-même est le suivant : certes, c’est de ma faute mais je n’y peux rien car je suis victime de ma nature, c’est du à mon caractère, mon conditionnement parental et pourquoi pas à mon inconscient.

Si adopter le rôle de la victime est une illusion et une justification que l’on se fait à soi-même afin d’occulter nos responsabilités dans les malheurs ou les problèmes qui nous arrivent, c’est aussi un subterfuge et une protection de l’image de soi. Parfois, il s’agira de se créer une histoire haute en couleur : on se donne le beau rôle de la personne bafouée, trahie, incomprise, manipulée, des mauvaises conditions de vie, de mauvais parents, la malchance, l’injustice, que sais-je encore… mais surtout rien qui ne soit propre à notre personne.  Et pour donner plus de poids encore et de légitimité à cette histoire, on s'épuise dans la colère, on se perd dans la haine de soi ou des autres, en allant jusqu’au au point de perdre toute mesure en s'oubliant totalement afin d’incarner la victime qui ne fait que souffrir, subir et couler... car si la vraie victime veut de l’aide, en revanche, le personnage de la victime n’en veut pas car ce serait abandonner tous les bénéfices que ce rôle lui apporte et surtout cela lui évite de se confronter à cette réalité terriblement désagréable qu’il est son propre bourreau .  

Pourtant ce rôle dramatique peut s’arrêter immédiatement. Il suffit de se poser cette question : que puis-je faire maintenant pour améliorer mon sort ? Fin de la passivité, retour de la responsabilité. Et c’est ainsi qu’un nouveau rôle, celui du héros, émerge : si je suis la victime et le bourreau de moi-même, s’il n’existe d’autre prison que celle que je me crée, si mes résistances à avancer constitue les barreaux de cette prison alors je peux triompher et devenir le sauveur de moi-même ! Et avouez que le rôle du héros à quand même beaucoup plus de panache que celui de la victime, non ?  

Cependant, si l’on a adopté ce personnage et que l’on y est cramponné depuis un moment, c’est qu’il existe en général des résistances au changement.  Souvent un sentiment de honte, d’incapacité ou d’incompétence, un manque de confiance ou la peur d’échouer. Et ce seront autant d’écueils et d’invitations à revenir régulièrement au statut de victime et à la passivité. 
Mais bien entendu tout cela peut se corriger.

Alors tel le héros, malgré les tempêtes et les chants mortifères des sirènes qui ne manqueront pas de s’élever autour de nous, tenir fermement le cap afin d’atteindre la terre promise.

Un vrai parcours initiatique ! 




2 commentaires:

  1. J'ai atterri au hasard sur votre blog...je trouve que votre réflexion autour du duo: victime/héro est fort juste.
    Pour aller plus loin, j'ajouterais une troisième figure, celle du Messie ou du Sauveur (très difficile de s'extirper du vocabulaire religieux, pffff...) en qui la victime désignée ou autoprocalmée croit. Je prends pour exemple, la croyance naive des gens en la capacité de l'état (dans sa définition générique) de résoudre leurs problèmes
    Amitiés
    Amine

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    1. Bonjour Amine.

      Je vous remercie pour votre compliment. Et c’est intéressant ce que vous dites car en rédigeant cet article, je m’étais placé strictement sur un plan personnel. Or en évoquant le « Sauveur » vous m’avez fait penser à la théorie de Karpman sur la triade dramatique (sauveur, victime, persécuteur). Et il est vrai que cette théorie est tout à fait applicable à soi-même sans avoir à faire intervenir d’autres personnes. Nous pouvons en effet tour à tour adopter un rôle de sauveur, victime ou bourreau de nous-même.

      Si le sujet vous intéresse...

      Cordialement.

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